Comment vivre autrement ?



Je remarque autour de moi que beaucoup de personnes essaient de changer de voie professionnelle. On parle de la crise de la cinquantaine (ou de la quarantaine), mais en réalité, c’est un besoin de changement beaucoup plus profond qu’un mouvement individuel. Il s’agit d’une remise en question d’une société qui fonctionne à l’envers et ne permet pas aux humains qui y vivent, de trouver du sens.

Dans l’enthousiasme du début de la vie professionnelle, chacun d’entre nous est capable de se mettre dans une boîte. De fermer les yeux sur un processus qui ne rejoint pas ses valeurs, sur des méthodes de travail absurdes, des horaires et une charge de travail écrasants. On accepte sous prétexte de « faire ses armes » ou « faire sa place », d’acquérir expériences et reconnaissance. Ou simplement, on y croit.

Mais à un moment donné, on se fait rattraper. Quand tout devient simplement « trop » malgré la meilleure bonne volonté, le corps dit « stop » pour nous protéger. Certains métiers ont du sens, mais sont contraints par l’absurde d’un fonctionnement ou d’une économie. D’autres ont perdu au fil du temps leur sens, au regard de qui l’on est profondément.


Le moment où l’on se retourne pour contempler sa vie peut être un temps de grande souffrance.

Dans la reconstruction, beaucoup trouvent un chemin grâce à certaines thérapies, pratiques psychocorporelles ou ce qui rentre dans l’immense champ du « développement personnel ».

Quand tout va mieux, ces personnes décident de devenir thérapeutes (ou praticiens de ceci ou cela). La grande phrase est : « je veux aider les autres comme on m’a aidé ». L’expérience de leur crise et reconstruction puis découverte d’une approche qui les a soutenu, agissant comme la révélation d’une nouvelle voie.

Certaines vocations sont réelles et talents indéniables. Cependant, il est important de voir que les écoles de formation de ces disciplines (notamment avec le titre RNCP) vendent le rêve d’une vie où vous êtes indépendants et vous aidez les gens.

Chacune de ces formations est très chère. Le nombre de nouveaux thérapeutes qui sont diplômés après 1 à 3 ans ou quelques week-ends de formation en poche, est juste hallucinant.


Une fois formé, commence l’enthousiasme de la nouvelle vie.

Les thérapeutes s’installent et se mettent en quête de patient/client. Quelques années après, une grande majorité de ces personnes se retrouvent dans un autre épuisement. Un loyer de cabinet qui est pratiquement vide, malgré « toutes les demandes à l’univers ». Une souffrance s’ajoute, car on ne comprend pas pourquoi en faisant quelque chose qui nous plaît et auquel on croit profondément, avec tout un ensemble de valeurs qui sont magnifiques, ça ne marche pas suffisamment pour en vivre. On se culpabilise, on se dit qu’on n’a pas bien fait telle ou telle chose.

Le tragique est que certaines personnes en profitent et vous vendent des formations « insta » et sur les réseaux en vous faisant croire que de bons posts vont remplir votre cabinet. La vérité est que les messages spirituels et les bons conseils sur lesdits réseaux sont devenus tellement nombreux et redondants qu’ils n’intéressent plus personne.

Par ailleurs, le problème des réseaux est qu’ils sont instantanés. Sitôt que vous arrêtez de poster, vous êtes oubliés du logarithme. Les réseaux sont goulus et ont besoin d’être nourris par votre énergies, en permanence. En conséquent, ils occupent, préoccupent (combien de « like » ?) et détournent de l’essentiel en maintenant l’agitation mentale.

Comment on a pu en arriver là ?

Pour comprendre les mécanismes en jeu et ce qui nous enferme insidieusement, il est nécessaire de rétropédaler. Revenons à notre point de départ.


Le manque d’amour

À l’origine, il est important de se rappeler que nous nous construisons en tant qu’individu dans la projection et le désir de l’autre. Depuis notre premier souffle, lorsque nous arrivons au monde, nous rencontrons le regard de l’autre. Notre mère, notre père (s’ils sont là), notre famille. Nous découvrons fatalement, car c’est inhérent à toute condition humaine, le manque d’amour.

Je ne parle pas de l’amour sentiment, mais de cette qualité d’amour conscience dont nous sommes issus. Nous venons en tant qu’âme d’un endroit d’unité où l’amour divin est présent en toute chose, pour entrer dans un monde conditionné où règne le manque du sacré et le manque d’amour.

Nos parents peuvent nous aimer d’un amour profond, mais malgré tout ce que l’on croît, il y a toujours une condition. Les parents vont dire (et le croire) qu’ils aiment de façon inconditionnelle. Mais ce n’est pas réellement possible dans notre monde actuel régit par la dualité. La condition sous-jacente, souvent inconsciente, est : « je t’aime, mais viens me guérir. Viens combler mon manque à moi. Viens me faire sentir que je suis plein, que je suis dans l’amour quand je suis avec toi ».

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, la condition évolue vers : « je t’aime, mais ne viens pas appuyer sur mes blessures, ne viens pas me faire mal ».

L’enfant doit aussi se conditionner à certaines exigences plus faciles à voir et qui sont racontés dans les années de psychanalyse. Par exemple : « Je devais être sage, être un gentil garçon, bien travailler à l’école, faire de la danse pour maman qui n’a pas pu danser, etc. »


La personnalité se construit en réponse à ce manque d’amour. Nos actions cherchent à nous éviter de trop ressentir la souffrance qu’il génère. Un mécanisme de protection très subtil se met en place qui nous conduit à aller chercher à l’extérieur les moyens de combler ce vide en nous.

Prenons un exemple : nous rencontrons une dissonance relationnelle. L’autre à dit ou fait ceci ou cela. Nous argumentons que notre besoin d’être écouté, d’être vu, reconnu, n’a pas été honoré. En réalité, l’autre n’a pas comblé notre besoin d’amour, parce que ce n’est pas son rôle. Il a révélé notre souffrance première, existentielle, amplifiée dans le fonctionnement du monde actuel où le lien à l’âme n’est pas assez cultivé. Le temple intérieur est délaissé. La connexion à ce qui est plus grand que nous est parfois même totalement inconnue.

A un moment donné, quand cette souffrance du manque d’amour est trop importante à l’intérieur, l’âme crie. Elle demande que la personne fasse ce grand retournement de la conscience, qu’elle revienne en son centre, en elle-même, dans cette part immuable qui est tout amour.

Ce temps correspond à nos crises de vie. Il est nécessaire pour opérer la bascule qui va de l’extérieur vers l’intérieur, se rendre compte de tout ce qui n’a pas de sens, de ce que l’on s’est forcé à porter. Les maques sont vus. On se met à nu.


Quand vient la reconstruction et la guérison, un discernement est important car la société marchande récupère à son profit le mouvement de notre âme. Si on ne voit pas clairement, on commence à mélanger les concepts, à croire qu’on fonctionne autrement, alors qu’on a juste changé l’histoire mais la structure est identique.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Changer sa relation au monde implique de replacer au centre le désir, mais un désir qui n’est pas pulsion du personnage se nourrissant du plaisir. Un désir qui est inspiration, qui se laisse ensemencer par les idées, par ce qui est plus grand que nous, le divin.

Chacun d’entre nous connait cette flamme de l’inspiration, cette envie puissante et joyeuse. Cette sensation simple et naturelle, n’a rien d’extraordinaire. Il ne faut pas une super capacité perceptive. Le travail de la conscience vient après. Observons avec sincérité et voyons comment dans l’immense majorité des situations, comment le désir est récupéré par le personnage sans qu’on se rende compte du glissement.


Les idées évoluent vers des pensées, des analyses, des projections. Le désir n’est plus qu’un écho lointain. On se dit qu’on va gagner sa vie avec cette idée et on bâtit un business plan sur 3 ans.

On met en place des objectifs, des indicateurs et le tableau Excel se remplit. Parce qu’il faut bien payer son loyer ! On ne vit pas dans un monde idéal, il faut être réaliste. Cela ne va pas se faire tout seul. Le frigo ne va pas se remplir magiquement.

Toutes ces phrases, nous les connaissons. Elles ne sont pas fausses, elles sont simplement liées à un fonctionnement qu’il serait bon de faire évoluer en acceptant de regarder et embrasser nos peurs. Par ailleurs, il serait judicieux de réaliser à quel point notre orgueil nous fait croire qu’il est possible d’anticiper les scénarios, les comportements des gens et des sociétés sur plusieurs jours, mois et années.

Pourquoi ces mécanismes sont si puissants ?

Simplement parce que dans notre niveau de conscience majoritaire actuel, ils sont la seule réponse à notre survie.

Imaginez un dialogue intérieur entre l’être et l’humain :
L’être :  « Je suis mon intuition. Je ne sais pas ce que je vais faire, mais je sens que ça va aller »
L’humain :  « Ça ne va pas la tête ? et comment tu vas gagner ta vie ? C’est gentil l’intuition, mais ça ne ramène pas un salaire. Il faut être réaliste. Si tu n’as pas d’argent pour payer … (liste longue), tu vas souffrir »
En allant au bout de « je n’ai pas les moyens de subvenir à mes besoins », que trouvons nous à votre avis?

Actuellement, nous sommes dans ce temps de transition où notre humanité entière doit opérer ce grand retournement de la conscience. Prendre conscience que l’humain a repris le devant de la scène, est LE travail essentiel. C’est ce qui permet de restaurer la voix de l’Être pour réellement opérer un changement dans nos profondeurs qui va impacter notre quotidien.