Thérapie de l’âme

S'aventurer dans l'expérience intérieure

Extraits d’un livre de Khaled Bentounès

Thérapie de l'âme - Khaled Bentounes
Khaled Bentounès, écrivain, pédagogue, conférencier et acteur du dialogue inter-religieux

« La maladie est en toi, et tu n’en vois rien. Le remède ne peut venir que de toi et tu n’en sais rien. Tu crois que tu n’es rien de plus qu’un corps minuscule, alors qu’en toi se trouve le Macrocosme avec une majuscule ». Cheikh al-Alâwî. Sagesse céleste, traité de soufisme.

Lumière sur lumière

Plus la lumière est là, plus elle nous révèle l’étendue de nos zones d’ombre.

Le connaissant peut parfois souffrir par sa connaissance en raison l’affinement de sa conscience et de sa plus grande sensibilité et aux réalités contradictoires qui se posent devant lui, au point de regretter le temps où il ne savait pas.

L’homme est un isthme entre deux positions, lumière et obscurité, et entre deux attitudes, juste et injuste. S’il revient vers sa nature primordiale, il renoue avec la connaissance, trouve la paix en lui et la répond autour de lui. Si par malheur il l’occulte et se voile à elle, il tombe dans la perversion, l’obscurité de son être.

L’éveil à soi

L’homme développe sa conscience selon un éclairage continuel fait d’ombre et de lumière.

Sa perplexité devant la complexité du monde et des êtres n’a pas de limite. Cette perplexité donne naissance au désir de donner un nouveau sens à notre existence en nous reliant à notre origine divine pour acquérir une plus grande stabilité intérieure et un apaisement.

Dès la première cellule embryonnaire nous portons en nous une information, mais à la différence de la graine de l’arbre, nous avons besoin de la relation aux autres pour développer notre conscience. Nous avons besoin de l’ennemi comme de l’ami. Nous avons besoin de toute la diversité des êtres pour construire notre propre individualité.

Nous avons un centre en nous-même, qui est le cœur et le siège de notre conscience. Tout ce qui viendra se rajouter à lui nous apportera soit de la lumière, c’est-à-dire de la connaissance, soit de l’obscurité, c’est-à-dire du doute, des peurs, des perversions.

Nous passons notre temps à surcharger notre nature originelle et à lui rajouter des voiles. Dans le processus d’apprentissage de la vie se construit naturellement notre personnalité. L’éducation est nécessaire pour développer les facultés intellectuelles et physiques afin de préparer au mieux à la vie sociale. Mais elle devient, la plupart du temps, un voilement de notre réalité intérieure qui ne permet pas de la conduire d’étape en étape vers l’évolution de notre être propre, allant de l’être doué de raison vers l’être métaphysique.

L’être connu est l’être physique, biologique et rationnel. L’être inconnu est l’être suprasensible, métaphysique et spirituel.

Unicité et voie médiane

En concevant l’univers dans le cadre de l’unicité, notre existence prend un autre sens en rééquilibrant et relativisant de jugement en ce qui concerne la notion de bien et de mal, nous comprenons en effet, que chacun joue son rôle.

L’unicité est une réalité à la fois sur le plan personnel et sur le plan universel. En prenant conscience que l’ensemble des créatures est la manifestation d’une seule et unique réalité essentielle, l’homme réalise en lui unicité et la vie.

L’éveil des consciences

Une société dont les valeurs dominantes et les institutions n’encourage pas à cultiver les qualités relationnelles et les vertus humaines, laisse le champ libre à des peurs incontrôlables et à des désirs exacerbés. Elle développe un goût pour l’argent et la célébrité ainsi que la fascination pour des valeurs éphémères qui auront pour effet à la longue de provoquer de grandes frustrations et d’uniformiser les modes de vie et de pensée.

La seule et véritable révolte possible contre la condition actuelle de l’homme semble ne pouvoir passer que par une révolte silencieuse et intérieure, capable de l’affranchir des contraintes normatives.

C’est par l’éveil de la conscience que peut s’opérer cette conversion spirituelle, aussi bien à l’échelle individuelle que collective.

Le travail sur soi ne vise pas à nous rendre plus intelligent ou érudit, mais à être plus attentif au principe d’unicité qui nous relie l’ensemble des êtres.

Travailler au développement de sa conscience se transmet parfois sans parole, dans le silence, ou par un geste ou un regard.

L’éducation des sens

Le monde est d’abord perçu à travers nos sens

Dans la mesure où les sens sont la première source de connaissances par laquelle nous entrons en contact avec notre corps et le monde, ils jouent un rôle considérable dans la manière dont nous nous comporterons ultérieurement.

Nos sens deviennent des moyens par lesquels tout notre être se nourrit. Écouter un morceau de musique, contempler un spectacle naturel, sentir le parfum d’une fleur, sont autant de manières de nourrir notre esprit et notre corps. La nourriture n’est pas seulement ce qui passe par notre bouche et par notre ventre. C’est de l’énergie que l’on reçoit de différentes manières et sous différentes formes. La conception que l’on se fait généralement de la nourriture et restrictive, alors que nous recevons l’énergie qui nous fait vivre à travers une multitude de nourritures, autant terrestres qu’intellectuelles, amoureuses que spirituelles. Les soufis disent que «celui qui a goûté a connu.»

Plus nos sens s’éveillent, plus nous prenons conscience de toutes les interactions qui se tissent entre nous et le monde. Cet état de conscience produite en retour une plus grande acuité perceptive. Nos organes sensoriels, l’œil, l’oreille, le toucher, l’odorat, le coût, l’estomac et le sexe, deviennent pleinement opérationnels, non pas en nous isolant des êtres et des choses mais en nous faisant vivre l’unicité de ce tout. Quel que soit le degré de réalité auquel nous nous rapportons tout est un.

La supernova

Comment l’Unité naît du chaos

Dans l’univers, tout est ordre et tout est désordre. Le désordre apparent donne l’ordre. Dans la création, une supernova explose et du nuage de gaz qu’elle dégage naissent une multitude de planètes, de soleils ou d’étoiles. Où est l’ordre, où est le désordre dans tout cela?

Ne sommes-nous pas un microcosme dans un macrocosme ? Autrefois, on partait à la recherche de l’élixir de jouvence ou en quête du Graal. les alchimistes cherchaient à obtenir de l’or par la transmutation de métaux lourds. C’est aussi la symbolique du Phénix, le fameux oiseau qui renaît de ses cendres. Dans toute les traditions, on trouve la trace de cette quête de soi, cette partie inconnue de l’être qu’est chacun de nous.

Donner un peu plus de lumière

Le thérapeute doit accepter de ne pas pouvoir guérir un patient tout en s’efforçant de l’aider à y parvenir.

Il arrive que le malade pense que sa guérison est totalement entre les mains de son médecin, oubliant qu’en partie elle dépend de lui. Or le véritable médecin de l’âme est celui qui, tout en apportant son aide, fait comprendre à son patient qu’il doit y arriver par lui-même en étant responsable et non en se soumettant un état de tutelle.

C’est le patient qui fait de lui un thérapeute en le mettant dans cette position.

Derrière le masque social du thérapeute se cache la réalité d’un être avec la complexité inhérente à chaque individu. Il adopte automatiquement l’attitude de celui qui sait et qui est là pour soigner. S’il enlevait ce masque et disait « je suis aussi malade que toi, nous cherchons une même chose » le patient irait chez un autre thérapeute.

Que le thérapeute considère son patient comme un égal ne signifie pas qu’il doive le traiter de la même manière que les autres. Chaque patient nécessite de renouveler son approche.

Aider à guérir son prochain, c’est l’amener à éveiller sa conscience pour qu’il redécouvre l’unicité qui le relie à l’ensemble de la création.

Une thérapie peut être une voie de guérison si elle donne la force aux malades de retrouver confiance et équilibre et si le thérapeute reconnaît qu’il n’est jamais que le véhicule faisant parti d’un tout par lequel ce rééquilibrage et cette harmonie sont toujours possibles.

Rétablir le sacré

La sacralité s’inscrit dans l’expérience du vécu, elle n’a pas un sens moral dogmatique.

Comment réintroduire le sacré sans pour autant le circonscrire au domaine religieux? Que cela soit clair: le sacré est inné en l’homme et il ne faut pas confondre le sacré avec la légalité religieuse. Il est important de rétablir pour l’être la relation avec cette nature originelle et divine avec laquelle il est venu au monde. Il est possible de sortir l’homme de son état d’amnésie et de somnolence pour l’amener à se ressouvenir de sa nature originelle grâce au raisonnement, à la sagesse ou encore à toute l’éducation d’éveil.

Le Vivant

S’aventurer plus loin dans l’expérience intérieure du divin en soi suppose de s’éveiller au Vivant et en connaître toute la richesse. Nous prenons conscience que nous faisons plus qu’un avec la création et que nous sommes capables de lire en elle tous les signes subtils qu’elle recèle.

À l’opposé de cet état, des pathologies comme l’angoisse ou la dépression révèlent la perte de notre relation au Vivant.

La difficulté que l’homme éprouve à renouer avec le Vivant vient du fait que la société invite à cultiver davantage la périphérie de l’être plutôt que son centre. Elle valorise ce qui est acquis par notre conditionnement culturel et en nous faisant oublier les attributs divins innés en tout homme.

Encourageons les enfants à aller vers le vivant. D’où la nécessité de nourrir notre quête intérieure de pratiques spirituelles (prière, champ, méditation etc.) et de purifier notre imaginaire de toute forme ou de toute image impropre à représenter la réalité divine dans son acte créateur.

>