Les voyages et retraites de méditation participent d’un même élan. L’un est tourné vers le monde à l’extérieur et l’autre est intérieur.
Pendant l’aventure de la création de l’écolieu, j’ai séjourné dans de nombreux lieux de retraite de part le monde. D’une part pour observer l’existant, dans le but de créer, à mon tour, un lieu pour méditer. D’autre part, pour me transformer intérieurement. Par ailleurs, à un moment donné, pour développer un régularité dans la pratique de la méditation, il faut des points d’ancrage. Une longue retraite de plusieurs mois est l’occasion unique d’aller consolider les socles d’apprentissage.
Dans ces articles, je partage mon expérience des retraites de méditation suivies dans différents lieux de méditation en Europe, Asie et USA. Et peut-être aurez-vous l’envie, à votre tour, de suivre une longue retraite?
Récit d’une longue retraite de méditation à Spirit Rock, un centre de méditation aux USA
SPIRIT ROCK est un centre de retraite bouddhiste aux USA crée par Jack Kornfield.
Il est difficile de restituer l’expérience d’une retraite de méditation de plusieurs mois dans un article. Je me suis demandée longtemps ce que j’allais bien pouvoir raconter. J’attendais que les mots viennent et les semaines ont défilé sans que rien n’émerge.
Pourquoi partir en retraite de méditation?
Entouré de montagnes, dans une région aride de la Californie, Spirit Rock veut dire littéralement « rocher spirituel ». Tout un programme !
Un jour, cela faisait déjà 1 mois et demi que j’étais à Spirit Rock*, la pluie tombait sans interruption depuis plus de 10 jours déjà et la plupart d’entre nous avait pris le parti de continuer les méditations marchées dehors, bien couverts avec un parapluie.
Je précise que dans ce contexte nous marchons très, très, très lentement, car il ne s’agit pas d’aller quelque part, mais de développer la même qualité de présence et de concentration que dans l’assise.
Tandis que je nous regardais avancer à pas de tortue (concrètement sous des torrents de flotte mais comme si de rien n’était), j’ai repensé à ce qu’on m’avait dit juste avant de partir : « ah oui ? Et cela te plaît de faire cela ? » J’ai éclaté de rire et l’article « à quoi ça sert de partir en retraite ? » est venu en quelques minutes. Je vous le livre tel quel.
On se fait parfois toute une idée de ce qu’est une retraite.Nous, qui partons, mais aussi ceux qui nous voit partir. On imagine une transformation extra-ordinaire, on pense revenir totalement transformé, empreint d’une grande sagesse qui nous permettra d’avoir du recul dans chaque chose de la vie… On m’a dit « tu pars 2 mois ? C’est incroyable, tu vas avoir une aura visible à plusieurs mètres ! »
Et bien, non. Mon aura est toujours bien en place et je vous rassure, personne ne se retourne sur mon passage dans la rue. Je ne peux malheureusement pas me faire pousser la barbe, (ce qui est un signe indiscutable de sagesse).
Vous êtes déçus ? Mais alors, à quoi ça sert une retraite de méditation?
Paysages autour du centre de méditation, entre silence et présence
La vie quotidienne d’une retraite de méditation
En gros, le programme de la journée d’une retraite est une variation d’horaires autour de méditations assises, de méditations marchées + les temps pour les repas et les enseignements.
Tout est en silence, sans distraction (pas de lectures, ordinateurs ou téléphones) et cela demande au départ un véritable ajustement tant notre société est construite autour du divertissement et du remplissage.
En retraite les heures passent et nous explorons ce qui est présent, d’instant en instant. C’est tout? A peu près, oui.
Chemin dans les montagnes de Spirit Rock, un centre de retraite en Californie, USA, dirigé par Jack Kornfield
Parfois nous vivons de beaux états de paix, de joie, de compassion, d’équanimité… et parfois c’est l’inverse. Même si on médite depuis des années, notre esprit a sa vie propre et il aime s’emballer, nous étourdir d’histoires passées que l’on connaît par cœur ou encore de projections futures… Méditer n’est pas l’antidote pour ne plus penser. Oups, une idée reçue qui tombe.
Mais alors franchement, pourquoi partir méditer des jours entiers ?
Être présent, c’est tout
« Quand nous commençons à faire attention à notre expérience intérieure, nous découvrons rapidement qu’il y a des pensées, des sentiments et des situations auxquels notre esprit semble vouloir s’agripper. S’ils sont agréables, nous essayons de les prolonger, s’ils sont désagréables, de nous en débarrasser. Le lâcher-prise est une façon de laisser les choses être telles qu’elles sont. » Au coeur de la tourmente, la pleine conscience Jon Kabat-Zinn.
Ce qui se développe au fil du temps est la capacité à être conscient de ce qui se passe en soi, dans son corps et ses pensées, dans ses sensations et émotions, à observer sans juger et à rester avec ce qui est là, présent en nous quoique ce soit.
Partir en longue retraite de méditation ne permet pas de se débarrasser de ce qui nous gêne. Cela n’enlève pas les blessures de la vie. J’ai toujours un trou dans la poitrine laissé par le décès de mon frère. La méditation ne va pas le combler mais elle va l’accepter et aider à redéployer les tissus autour pour retrouver une souplesse dans ce qui a été sidéré et rigidifié par le choc. Elle va lui donner de l’espace. Alors le trou n’est plus le seul élément présent. Autour il y a aussi du calme, de la joie, des agacements, de l’amour… Autour il y a toute une vie qui est là et s’exprime dans sa complexité et sa richesse émotionnelle.
Viktor Frankl
« Entre le stimulus et la réponse, il y a une espace. Dans cet espace se trouve notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse, se trouve notre croissance et notre liberté ».
J’aime beaucoup cette phrase de Viktor Frankl. La méditation ouvre cet espace où tout est présent,où tout est vu sans être rejeté, détourné, anesthésié. De là peut émerger un choix conscient. Les grandes décisions dans ma vie ont été lors de ces moments « spacieux » en connexion avec l’être. Et parce qu’on est plus en relation avec soi, avec notre intériorité, on est plus en relation avec l’autre et avec la vie. Méditer est une reconnexion à notre ancrage interne, pour qu’alors cette richesse qui habite chacun d’entre nous soit réfléchie au dehors.
Transformation intérieure
La transformation intérieure qui s’opère dans une longue retraite n’est pas précédée par des tambours battants et des clarinettes. Elle n’a pas son petit cortège de drapeaux colorés en guise de célébration. Elle est discrète, silencieuse, comme une fleur que l’on retrouve ouverte après l’avoir quittée en bourgeon.
Alors, à quoi ça sert de partir en retraite de méditation? A retrouver sa liberté d’être.
Récit d’une journée au monastère Shwe Oo Min, en Birmanie
3h30 – Premier gong de la journée
Vu d’ici le réveil semble matinal, dans le contexte c’est avec beaucoup de naturel que j’émergeais des rêves de la nuit pour la première méditation. J’appréciais l’unique fraicheur de la journée, les ombres de la nuit qui laissent peu à peu la place à l’aube et cette qualité de vigilance très particulière qu’a l’esprit à ce moment là.
5h30 – Le petit déjeuner
Très attendu, car il vient après 18h de jeûne, le premier repas est constitué d’une soupe de nouilles avec des légumes. Souvent aussi, nous avons un petit paquet de gâteau ou une banane, que l’on garde précieusement pour plus tard.
6h30 – L’aumône des moines
Les moines quittent les monastères tôt le matin. Ils marchent en file indienne, les plus anciens en premier, portant devant eux leurs bols à aumônes.
Avec le lever du soleil, les moines s’alignent en suivant un ordre strictement défini et se préparent à recevoir le riz donné d’abord par les retraitants et les nonnes, puis par les villageois. Ce rituel matinal commence dans l’enceinte même du monastère.
Les moines recevant le riz donné par les villageois habitant au monastère Shwe Ooh Min Dhamma Sukha
L’aumône des moines – Dons des villageois habitant au monastère birman
Ensuite, les moines sortent faire le tour du village.
Les moines traversent le village à côté du monastère. La vie dans un centre de retraite bouddhiste de la tradition des moines de la forêt, en Birmanie.
A leur retour, ce riz sera collecté par le staff du monastère et servi à nous tous au déjeuner. Ce qui m’a frappé tout au long de ce séjour est la très grande générosité des birmans envers la communauté monastique. En nature ou financiers, les dons sont nombreux.
7h-9h Temps de méditation
Le principe d’une longue retraite est de développer la pleine conscience au quotidien, soit une présence attentive à ce qui se vit à chaque instant (sensations, émotions, pensées). Ce « travail » démarre du moment où l’on se réveille, jusqu’au moment où l’on s’endort et n’est pas réservé aux temps de pratiques formelles comme les périodes de méditation assise ou marchée.
Méditation de pleine conscience, temps de pratique protégé des moustiques, dans un monastère en Birmanie
Ce qui m’a plu dans l’approche de U. Tejaniya (le chef spirituel du lieu) est la très grande autonomie dans la pratique accordée à chacun. Il y a certes un emploi du temps, mais il proposé à titre indicatif, après chacun se responsabilise. Ce qui était important pour moi était d’entrer dans le hall méditation en étant joyeuse. Sinon, je faisais autre chose. (Bon, bien-sûr les autres « activités » restent assez ciblées…)
Salle de méditation dans le monastère bouddhiste Shwe Ooh Min Dhamma Sukha en Birmanie
9h-10h30 Temps d’étude personnel
Il qui permet, par la lecture ou la réflexion autour de concepts, de mettre en lumière et de comprendre autrement l’expérience vécue. Cela peut aussi être un temps d’échanges avec les autres retraitants. (Sinon nous sommes en silence).
10h30 – Le déjeuner
Tout est très ritualisé. Les moines vont passer en premier, puis les nonnes, puis les retraitants (ce monastère est considéré comme très « moderne » car ici les nonnes passent avant les hommes…), ensuite le groupe des femmes. Là aussi, il y a une hiérarchie : d’abord les femmes birmanes avec les personnes âgées, etc. Vous avez compris la logique, quand le gong pour le repas résonnait, je n’avais pas besoin de me presser.
La file d’attente pour aller déjeuner. La vie dans un centre de retraite et de méditation Vipassana en Birmanie
La nourriture est délicieuse : riz, légumes, tofu. Très épicée pour nos palais occidentaux malheureusement. Ce qui m’a manqué le plus sont les fruits, très peu proposés.
À partir de ce moment de la journée, jusqu’au coucher du soleil, la chaleur est tellement forte que nous sortons très peu, préférant rester près d’un ventilateur qui tourne quand l’électricité n’est pas coupée. Le reste de la journée s’organise ainsi :
13h-16h Temps de méditation
16h – Jus de fruit
17h-20h Temps de méditation
21h – Extinction des feux
On apprend du lieu et de son chef spirituel, mais aussi des gens qui nous entourent, pratiquants ou pas, des plantes, des livres amenés un peu au hasard parce-qu’on-ne-sait-jamais et un jour ouvert pile à la bonne page. Mais aussi de nos rêves, de la petite voix à l’intérieur, de quelque chose d’ancien qui refait surface et se transmet. L’enseignement est souterrain. Il n’est pas forcément spectaculaire, plus un glissement vers ses profondeurs.
Récit d’une longue retraite dans le monastère Shwe Oo Min Dhamma Sukka Forest Center, près de Yangon
Tradition des moines de la forêt dans un monastère bouddhiste en Birmanie
Le monastère de la forêt
On l’appelle le monastère de la forêt, mais il ne reste que quelques arbres au bout d’une route de terre et de poussière. Venant du Yangon et de son univers de béton, ce qui me frappe en arrivant est le très grand soin accordé aux plantes.
L’allée centrale du monastère Shwe Ooh Min, un centre de retraite bouddhiste en Birmanie, dans la tradition des moines de la forêt, méditation Vipassana
Ambiances du monastère
Ensuite, c’est la sensation de chaleur qui me saisit. Le Myanmar a un climat de type tropical et bien que nous soyons toujours en saison sèche et « fraîche », il fait déjà une trentaine de degrés en février. Avec la chaleur, s’installe la lenteur où les gestes sont économisés.
Ce qui me surprend aussi est que le lieu n’est pas particulièrement silencieux. D’abord il y a un gros chantier de construction à l’intérieur du monastère et l’on méditera souvent avec un bruit de scie circulaire en arrière fond. Et puis nous sommes au cœur d’un village et quand quelqu’un met de la musique, elle hurle sur les hauts parleurs. « Ici, on travaille avec les sons » me dit-on. C’est un parti pris très assumé que j’ai trouvé assez intéressant : nous ne sommes absolument pas dans une bulle déconnectée de la vie.
Les allées de bois sont couvertes et les plantes omniprésentes dans le centre de retraite Bouddhiste en Birmanie dirigé par U Tejaniya.
Un grand soin est accordé aux plantes dans le monastère de la forêt en Birmanie
Architecture du monastère de la forêt
Le monastère est traversé par une allée centrale et tout autour s’organisent les espaces de vie: 4 bâtiments pour les femmes et 2 pour les hommes, le hall de méditation, la salle des repas, etc. Ils sont reliés par des passerelles de planches de bois couvertes pour nous protéger des ardeurs du soleil.
Une nonne en train de méditer. Récit d’une expérience vécue de la vie dans un monastère bouddhiste en Birmanie
Moines, nonnes et retraitants
Nous sommes près de 250, moines et nonnes, retraitants birmans ou étrangers venant de Singapour, Malaisie, Chine, Vietnam et Corée. Une poignée d’occidentaux : US, Angleterre, République tchèque, … je suis la seule française. La plupart des personnes ont déjà une grande pratique de la méditation et viennent en retraite dans ce lieu pour une longue durée qui va de 1 à 6 mois.
Bouddha Tree à Shwe Ooh Min Dhamma Sukha, un monastère dans la tradition des moines de la forêt en Birmanie
Espaces sacrés du monastère
En matière d’architecture, si ce monastère là n’a rien de particulier, certains endroits sont sacrés. Il y a par exemple le « bouddha tree». Ou encore, un espace avec un autel portant des statues de bouddhas, devant lequel les moines viennent chanter tous les jours pour que les statues se chargent et deviennent « vivantes ». C’est un peu le cœur du monastère.
Le coeur Shwe Ooh Min est un autel avec des statues de Bouddha. Ce monastère près de Yangon au Myanmar (Birmanie) dirigé par Sayadaw U Tejaniya.
Hébergement
Ma chambre dans le monastère est simple et sans fioriture.
Les chambres sont simples. Je passe la première heure à enlever les toiles d’araignée. Les personnes qui partagent le bâtiment où nous logeons, défilent pour me souhaiter la bienvenue. Elles me donnent aussi quelques conseils. Comment enlever les puces du matelas, comment boucher les trous des fenêtres, pour éviter les moustiques. Il ne faut jamais oublier secouer ses chaussures avant de les enfiler car il y a de petits scorpions. On m’indique les coins qu’il est préférable d’éviter. Parfois, on y voit des serpents venimeux. Du reste, quelqu’un s’est fait piquer le mois dernier… J’ai du avoir l’air un peu ébahie, car la femme qui me racontait cela très tranquillement, m’a dit: « pas de soucis à se faire, nous avons des injections anti venin que nous laisserons à la clinique en partant ».
Expérience lors d’une longue retraite de méditation, de la vie dans un monastère bouddhiste en Birmanie
Le quotidien du monastère
On me donne, comme une relique, un petit bout de papier plié, sur lequel est noté un code de wifi. (Je fais une aparté car c’est une de mes plus grandes surprises en redécouvrant le Myanmar 15 ans après. Ce pays qui n’a pas l’eau potable et où l’électricité saute en permanence, s’est développé en matière de téléphonie mobile de façon incroyablement rapide, depuis l’ouverture du pays. A Yangon, tous ont des smartphones. Même les moines, du plus jeune au plus vieux, que l’on voit penchés sur leurs écrans.)
Donc au monastère, certains jours à certaines heures, il y a un petit filet d’ondes qui passent. L’information se répand alors comme une traînée de poudre. « Wifi is on« . On voit des grappes de gens se regrouper près de l’endroit où le signal est le plus fort. On capte très mal, mais ce moment est assez convivial.
Les journées s’écoulent et se ressemblent. Lisez l’article suivant « une journée au monastère »pour en découvrir le contenu…
Récit d’une longue retraite au Forest Refuge, un centre de méditation près de Boston.
Expérience vécue d’une longue retraite de méditation à l’IMS Forest Refuge près de Boston aux USA
Sur le tableau d’informations, à côté des horaires de méditations guidées, on peut lire: «Les ours noirs sont de retour dans la région» ou encore: «Attention aux tiques» (déjà plus difficiles à repérer). Nous sommes en pleine forêt, à quelques heures de Boston, à l’IMS (Insight Meditation Society) un centre de retraite bouddhiste.
Les paysages tout autour de l’IMS Forest Refuge sont flamboyants en cet automne.
Le Forest Refuge est un centre de méditation bouddhiste
Il a été fondé il y a 40 ans par un moine bouddhiste américain Jack Kornfield*, Sharon Salzberg et Joseph Goldstein. C’est un lieu de retraite magnifique assez connu outre-Atlantique.
La grande bâtisse du centre de méditation bouddhiste, l’IMS Forest Refuge.
Vue extérieur de la salle de méditation
Entrée dans la salle de méditation
Une déconnexion de toutes nos pollutions modernes
Au centre de retraite du Forest refuge, il n’y a pas de sollicitations extérieures, pas de connexion Internet, pas de distractions ou de livres, pas de paroles non plus car tout est en silence.
Nos vies sont tellement remplies, qu’au départ j’ai presque l’impression d’être en cure de désintoxication. Et si il y a un réel soulagement dans le fait de se poser, il y a également une nécessité de construire une discipline intérieure. L’espace qui s’ouvre doit s’apprivoiser peu à peu.
Un quotidien consacré à la méditation
La salle de méditation a été construite autour d’un rocher monumental laissé intact et sur lequel les fondateurs ont posé une statue du bouddha
Progressivement, je me suis sentie plus centrée, alignée et reliée à mes ressources intérieures. Se développe une forme de clarté et une grande créativité. Beaucoup d’idées pour la création du lieu émergent. Potentiellement elles sont déjà présentes en moi mais non entendues car dans le quotidien parisien et prise dans la densité de la vie, je n’ai pas beaucoup de temps à leur consacrer. Ici, elles sont là parce qu’un champ des possibles s’est ouvert.
La salle à manger toute en bois, vaste et lumineuse donne sur la forêt.
Couloir de méditation pour les méditations marchées
Vivre 1 mois en retraite au Forest Refuge
J’ai passé plus d’un mois au Forest Refuge en work-retreat. Work car je travaille quelques heures par jour dans le département « cuisine » en échange du gite et du couvert. Retreat car je bénéficie de tout l’accompagnement et de l’enseignement comme les autres retraitants.
En clin d’œil, je ne résiste pas à l’envie de partager cette photo des gants de vaisselle avec vous… J’ai trouvé que la personne qui les a baptisés ainsi ne manquait pas d’humour.
Faire la vaisselle dans une retraite de méditation est le prétexte à un autre type de pratique ! Entre humour et conscience.
Ce qui m’a intéressé dans ce statut particulier et cette expérience, est l’opportunité d’observer de l’intérieur le fonctionnement d’un centre. Dans la perspective de créer moi-même un lieu ressource, ce fut un apprentissage précieux sur le terrain.
Une retraiteest un point d’ancrage, une pause qui permet de repartir en action. Ce n’est pas une coupure ou un repli, mais une ouverture à la vie avec une plus grande intensité dans la conscience des liens entre l’être et l’humain.
Récit d’un panchakarma dans le centre ayurvédique en Inde.
Vaidyagrama est un lieu profondément holistique, entre hôpital, monastère et éco-village
A natural Ayurveda healing village
Arrivée dans le centre traditionnel de médecine ayurvédique pour 21 jours de détox en profondeur du corps et des émotions.
16H30 mardi 2 avril, j’arrive tout juste. La chaleur est encore étouffante malgré l’heure avancée de la journée. Je dégouline à grosses gouttes pendant qu’un ventilateur brasse de l’air chaud au dessus ma tête et que je remplis une énième fois mon numéro de passeport, de visa, de durée de séjour, pourquoi je suis là, etc. J’avais oublié les sensations générées par « 39° ». En regardant la météo avant de partir, je m’étais simplement dit qu’au moins ma valise serait légère. Lire le chiffre est abstrait, le vivre est autre chose.
J’ai soudain eu la sensation de basculer 3 ans en arrière pour me retrouver à Shwe oo min, en Birmanie. Alors j’étais partie 3 mois en longue retraite, pendant la saison chaude.
Accueil du centre Vaidyagrama
La chaleur a été mon obsession pendant tout le séjour. Bien-sûr, elle n’est qu’un prétexte qui illustre les résistances que nous traversons : nous trouvons un élément problématique et déclarons que si cet élément n’était pas là, tout irait mieux. C’est bien entendu totalement faux et cet élément est pour chacun d’entre nous différent.
Les Indiens ne souffrent pas la chaleur, ils sont habitués. Pour eux, c’est la nourriture qui n’est pas assez épicée. C’est insupportable et leur principal sujet de conversation. Pour d’autres patients, c’est l’eau qui est trop chaude.
Chacun trouve son souci. Tant que nous résistons, cela devient notre objet central de préoccupation.
21 jours de Panchakarma
21 jours de panchakarma dans un centre Ayurvédique. Une détox en profondeur du corps et des émotions.
Je suis venue faire un panchakarma. C’est une cure de 21 jours pendant laquelle on élimine toutes les toxines du corps pour lui permettre de retrouver un fonctionnement optimal et équilibré, dans lequel les processus d’auto guérison se mettent en place naturellement.
Le grand principe est de drainer le corps pendant la première partie du traitement (cela peut prendre entre une semaine et une dizaine de jours) pour amener toutes les toxines dans le ventre avant de les éliminer par les voix basses.
Ce nettoyage est plus ou moins fort selon la condition de la personne, son état de santé et les maladies qu’elle rencontre.
Le panchakarma, une cure traditionnelle
Il y a un aspect traditionnel dans chaque geste, rien n’est fait au hasard. Ainsi vidé, le corps peut à nouveau être nourri. Avant la spécificité de la maladie, pour la médecine ayurvédique, c’est le travail sur le terrain qui compte.
Table de massage et espace de soin dans un centre de médecine traditionnelle ayruvédique
Les gens viennent du monde entier
Pendant mon séjour, il y avait une dizaine de Brésiliens (un groupe) un danois, une suisse, un couple de Vietnamiens, quelques Coréens, une Anglaise, plusieurs Américains, une Russe, un Français vivant en Inde.
Pendant le traitement, le corps est assez fatigué. Avec la chaleur en prime, chacun d’entre nous se traîne, ne regagnant que quelque vitalité spontanée aux heures fraîches du matin et du soir.
Nos journées dans ce centre ayurvédique, en Inde
Right medicine, right moment
La première fois que j’ai entendu sonner à ma porte de chambre à 5h43 précises, j’ai franchement grogné. La décoction du matin, comme les 4 autres de la journée, se prend à heure fixe. « Right medicine, right moment », nous dit le médecin à l’origine de ce centre.
Les 60 ml de liquide noir, épais et amer s’avale d’une traite, il ne faut pas trop réfléchir. « To your good health » plaisante souvent mon voisin, un Américain à la retraite venu trouver une alternative aux narcotiques prescrits dans le cadre de ses insomnies sévères. Il me dit aussi parfois « I miss home, I miss my toys ». Comme nous tous, il trouve le temps long.
Le petit matin se révèle être un temps privilégié et dès le lendemain, je prends l’habitude de me lever vers 5 heures. Il faut dire qu’avec le peu d’action de mes journées, je n’ai pas besoin de dormir autant. Par ailleurs, je suis couchée très tôt.
Vie sociale dans le centre ayurvédique
L’activité sociale la plus intense de la semaine consiste en un dîner de groupe le mercredi soir. Nous sommes tous particulièrement joyeux à l’idée de nous retrouver autour d’une grande tablée. Nous quittons l’espace d’un repas l’antichambre de nos lieux de vie individuelle ou chacun d’entre nous prend ses repas en silence.
L’aspect festif ne réside que dans l’atmosphère, car notre régime reste strict.
Hébergement
Les chambres du centre Vaidyagrama sont vastes, simples. Pendant un panchakarma, nous y passons beaucoup de temps !
Ma chambre pendant la retraite (un sacré confort comparé à d’autres lieux).
Chaque chambre a sa propre terrasse.
Terrasse attenante où je passe la plupart de mon temps quand je ne suis pas en soin où dans le hall de méditation.
Repas classique pendant le panchakarma
Les repas sont conçus pour aider la cure pendant le panchakrama.
Le fameux porridge de riz rouge, spécialité du centre, est servit pratiquement à chaque repas et de façon privilégiée au petit déjeuner, sans aucun condiment cela va de soi, avec un plat de lentilles. Le soir nous avons souvent un curry ou des légumes.
Le déjeuner est le repas le plus complet où l’on retrouve les 7 saveurs si importantes dans la médecine ayurvédique. La nourriture est très bonne, pas du tout épicée donc considérée comme très fade pour les Indiens, mais pour moi cela m’allait.
C’est la répétition qui m’a posée problème et le fait qu’au final, quels que soient les plats (riz, lentilles, curry ou même les légumes cuits à la vapeur) cela revenait souvent à une forme de bouillie plus ou moins liquide.
Inutile de dire que le sucré est totalement éliminé, comme le thé ou le café, j’imagine que vous vous en doutiez.
Le premier petit-déjeuner où j’ai vu arriver le plat de lentilles, j’ai eu un moment de déception car je ne pouvais m’empêcher de fantasmer des chapatis (sorte de crêpe très courante en Inde) au miel. Comme manger saler le matin n’a jamais été un problème pour moi, j’ai tout avalé. Au bout de quelques jours, j’avais perdu mon enthousiasme.
A la fin de mon séjour, j’avais fini par prendre carrément prendre en aversion la vue du riz. (D’autant qu’il a fait parti de mes soins, appliqué en cataplasme avec du lait).
Manger / compenser
Manger étant LE sujet, c’est un point de discussion fréquent dans les satsangs, qui sont des échanges entre patients et médecins. Les médecins nous expliquent ce qu’ils recherchent dans cette alimentation est quelque chose qui nourrisse le corps en étant le plus facilement digeste.
Exit la nourriture émotionnelle et compensatoire. Quand ce filtre là n’est plus, on se prend de plein fouet ce que l’on cherche à cacher (même inconsciemment) avec un bon petit plat.
Cela peut être l’ennui, la tristesse, l’agitation, la colère, une contrariété. La liste tête est très longue et chacun d’entre nous en a une.
Jeûne du corps et du mental
La restriction est tout autant dans les mets que dans les paroles, les pensées, les actions et activités. En enlevant toutes ces couches qui remplissent jusqu’à nous gorger et déborder notre quotidien, on se dévoile et l’on peut observer ce qui est là, tapi en permanence.
C’est la remontée des boues au sens propre comme au sens figuré, dans le soin.
Nous découvrons des addictions dont nous n’avions même pas idée, des comportements automatiques qui ne peuvent plus s’exprimer parce que tout a changé dans ce cadre de vie, etc.
Addictions révélées
Par exemple, j’ai fait parti du club pas si sélect des « coffee headache ». Au bout de 3 jours de sevrage de café, j’avais forcément mal au crâne. Mon médecin référent l’attendait en souriant. Mon premier réflexe a été de prendre un Doliprane. Hop, le mal de crâne disparaît et je continue ma vie habituelle. Mais non, j’ai joué le jeu.
On m’a mit un cataplasme sur le front, pendant une heure, avec le conseil de m’allonger et de me reposer. Ce cataplasme a été bigrement efficace. Il m’a aussi permis de réaliser à quel point nos médicaments tout aussi efficaces, sont plus faciles à prendre. C’est plus rapide. Il y a un revers de médaille. On est malade, mais on ne ralentit pas le rythme.
Le mot « repos » où il ne s’agit ni de lire, ni de regarder la télévision, ni de travailler mais de ne rien faire, est quasi sorti de mon vocabulaire. Les docteurs insistent beaucoup sur la nécessité de ce repos du corps et de l’esprit. C’est pour ça que le lieu ne propose pas d’activités spécifiques autour du yoga.
La vie spirituelle
Il y a simplement les prières du matin et du soir, mon moment préféré de rencontre avec le sacré.
Les temps de prières au Vaidyagrama, a natural healing village
Le rituel de prières m’a profondément aidée dans ce séjour. Elles sont chantées par les médecins. Cela en dit long sur la vision d’une médecine qui s’adresse au corps, à l’esprit et à l’âme.
Ces chants en sanskrit posent un taux vibratoire. Ils ouvrent ou ferment la journée au moment du lever du coucher du soleil. Cela dure une heure environ et c’est très beau.
Repos nécessaire pendant un panchakarma
Ce n’est pas si facile de se reposer sans rien faire. J’essayais et je m’ennuyais. On ne passe pas en « mode retraite » comme cela.
Progressivement, j’ai fini par reconnaître certains oiseaux, leur rythme. J’ai flippé devant des insectes énormes qui avaient l’air peu amicaux. Un scorpion a même eu l’audace de s’inviter sur ma terrasse. Mais là, sans demander mon reste, j’ai été chercher quelqu’un pour le déloger.
Ambiances dans le centre ayurvédique
Les bâtiments du centre Vaidyagrama laissent peu rentrer le soleil
Les chambres sont construites par 4. Un patio faisant puits de lumière et d’air au centre. Elles s’organisent par différents regroupements autour de jardins. Ils constituent un véritable poumon pour le lieu.
Les maisons du personnel sont aux extrémités ainsi que celles des 3 directeurs médicaux qui vivent là avec leur famille.
La permaculture au centre ayurvédique
La région est aride et brûlante. Mais, dans le centre grâce à la végétation, nous avions quelques degrés de moins qu’à l’extérieur. Les champs bordent le lieu. On voit aux loin les montagnes. Après un premier regard avide pour sentir et comprendre le lieu, je commence à mieux observer.
Le jardin tout d’abord que je trouve très beau. En partant, chaque patient met en terre une bouture. C’est une idée que j’avais eue aussi pour le écolieu que je souhaitais créer : que les plantations soient, en partie, réalisées par les gens de passage. Symboliquement, c’est très fort.
Le jardin du centre ayurvédique est fait en permaculture, ce qui est très novateur là-bas. Ils ne sont pas encore autonomes pour nourrir les résidents, mais ils tirent de multiples ressources de leurs plantes, fruits et légumes pour les différentes préparations.
Des panneaux solaires fournissent l’électricité du lieu. Ils garnissent grand nombre de toitures.
Le jardin
Le jardin est conçu avec les principes de la permaculture. En Inde cela reste assez rare. du coup, la gestion de l’eau est optimale. Ils ont en outre une quinzaine de puits pour recueillir l’eau lors de la saison des pluies.
Au tout début de la création du lieu, ils ont été chercher l’eau, dans la nappe phréatique située à 750 m. À présent, ils ont réussi à reconstituer ses réserves. Ils n’ont plus besoin que d’aller à 150 m pour avoir de l’eau.
L’eau que nous buvons vient donc du lieu. Elle a été bouillie avec différentes épices et du gingembre pour être potable.
Outre la beauté, le jardin a une fonction pédagogique et utile. On y trouve des plantes médicinales, aromatiques et comestibles. Un de leurs objectifs est d’arriver progressivement à l’autonomie alimentaire, pour vivre des légumes qu’ils cultivent.
Activités du centre ayurvédique
Le vendredi est le jour nous avons une petite balade. Une demi-heure dans le jardin, à la rencontre des plantes médicinales.
À part les férus de botanique, la plupart d’entre nous ne comprenons rien. Surtout que les mots sont en latin ou en sanskrit. Mais nous sommes contents de l’activité et de la passion du médecin qui anime cet atelier.
Cow Puja
Chaque jour il y a une petite activité. Le jeudi, c’est le « cow puja ».
Cow Puja : un rite traditionnel avec une vache sacrée
La vache sacrée arrive. On allume une flamme et on dit une prière. Les gens tournent autour de la vache avant de lui donner de l’herbe à brouter. Après, nous pouvons manger la nourriture sacrée de ce rituel. Je pense qu’elle a particulièrement de succès car souvent elle est très bonne. Il s’agit d’un riz un peu sucré comme un riz au lait. Nous sommes heureux de la friandise, avec la délicieuse impression de commettre quelque chose d’interdit car c’est « hors régime du panchakarma ».
Un lieu holistique
Au fil des journées, le lieu se dévoile dans ses subtilités.
Je m’aperçois qu’il est profondément holistique tout à fait dans l’état d’esprit du lieu que j’ai voulu créer. Jusqu’à l’architecture même et l’agencement des espaces ou encore le montage. Il y a un médecin qui a eu l’idée du centre. Il a posé toutes les bases du projet, avant d’être rejoint par 2 autres amis qui se sont associés. 2 investisseurs fortunés ont financé les premières maisons où les 3 médecins associés ont vécu sur site avec leur famille; ainsi que les premières infrastructures pour accueillir des patients.
Le lieu est très organisé. La grande différence avec l’Europe est le coût d’un salaire. Cela permet ici à une fourmilière de personnes de travailler et entretenir les espaces. Chacun a sa place et sa tâche, parfois petite mais essentielle, à effectuer.
Par exemple, une personne passe tous les jours à 4 heures de l’après-midi avec une marmite remplie de braises et de feuilles aromatiques. Ces feuilles dégagent une odeur agréable pour nous, mais profondément désagréable pour les moustiques. Grâce à cela, il y a extrêmement peu de moustiques au centre.
On voit en continue dans la journée, différentes personnes en train de s’occuper de la maintenance, du nettoyage, du jardin, de la cuisine. Toutes ces petites mains font la vie du lieu.
Célébration
Ma période de retraite correspondait avec un temps de festival. Il faut dire qu’il y a beaucoup de festival en Inde. C’est rare de ne pas avoir un temps de célébration pendant un séjour.
Festival au centre de médecine ayurvédique
Musique traditionnelle pendant le festival du centre Vaidyagrama en Inde
Témoignages d’anciens patients
Conférence
Nous avons eu aussi une conférence donnée par une femme poète, écrivain, doctorante, maître de conférences, traductrice.
Elle a commencé en nous racontant son premier séjour en tant que patiente. Tout en étant connue, bardée de titres et de diplômes, face à la maladie, elle était comme chaque patient. Un corps dénudé de ses habits comme de ses attributs, souffrant et abandonné aux mains des thérapeutes.
Danse
Une danseuse connue au Kerala nous raconte la même histoire de guérison. Elle est l’héritière d’un mouvement de danse classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco.
Cette danseuse pouvait à peine bouger le genou en arrivant au centre. Elle avait fait la promesse de revenir danser si elle guérissait. Chaque année depuis 3 ans, elle revient dans ce temps de festival. Elle nous offre une danse de cette forme unique, qui m’a profondément fascinée.
Une danseuse expressive nous fascine avec ses danses traditionnelles pendant le festival du centre de médecine traditionnelle ayurvédique en Inde
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