La Terre comme soi-même

Quel avenir voulons-nous pour l'homme et la planète ?

Extrait de « La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité », un livre de Michel Maxime Egger

« La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité » nous interpelle au plus intime de nous-mêmes et nous invite à repenser notre industrie, notre agriculture, notre médecine, notre éducation, notre alimentation.
Quel avenir voulons nous pour l’homme et la planète?
Nous sommes dans un passage, entre un système qui ne fonctionne plus et un autre émergeant qui se cherche. Cette transition est un appel à notre imagination et à notre créativité. Comment fédérer les consciences et les énergies mettre nos talents et nos moyens au service de la construction d’un monde digne de l’intelligence universelle?

Michel Maxime Egger, l'auteur de La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité, nous invite à repenser l'avenir pour l'homme et la planète.
Michel Maxime Egger, l’auteur de La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité

L’humanité à la croisée des chemins

Crise écologique et spirituelle

Elle touche aux fondements mêmes de la civilisation occidentale : une conception dualiste et désacralisée du cosmos et de l’être humain. Cette crise n’est pas seulement en dehors, mais au-dedans de nous.

L’écologie extérieur ne suffit pas, elle doit être complétée par une écologie intérieure : une écospiritualité. Cela implique un changement de paradigme, le passage d’une transformation de soi à la transformation du monde.

Que révèle la crise écologique?

Les dérives d’un paradigme

Depuis le XV ème siècle, notre manière de voir et de penser est fondée sur la supériorité de l’homme et la primauté des principes masculins.

L’occident souffre depuis d’un dualisme qui sépare tout : Dieu et la création, l’humain et la nature, l’esprit et la matière, le masculin et le féminin, la foi et la raison, etc.

Impasses d’un mode de vie et de développement

Le système socioéconomique dominant repose sur une idée de croissance. De toute puissance de la technoscience et la satisfaction des besoins des consommateurs.

Ce système capitaliste, si dévastateur pour la planète, ne perdure que par ce qu’il vit en nous à travers l’instrumentalisation subtile de nos peurs archaïques (mourir et manquer) et de notre puissance de désir dégradée en envies et pulsions.

La crise écologique n’est pas que d’ordre économique, politique ou éthique, elle est culturelle, psychologique, spirituelle et touche aux fondements mêmes de notre civilisation.

Aux racines de la crise écologique

Conséquences d’un orgueil

Les atteintes à la nature ne datent pas d’aujourd’hui. Mais aujourd’hui, la destruction et les perturbations de la biosphère ont atteint une ampleur et un rythme sans précédent dans l’histoire et les conséquences sont de plus en plus incontrôlables.

La terre souffre et s’appauvrit chaque année davantage, victime d’un modèle de développement fondé sur la croissance infinie, le profit immédiat, l’hyperconsommation, la jetabilité.

Passer de la raison au coeur

Les idées sont nécessaires mais ne suffisent pas à un véritable changement de vision et de comportement. Il faut que l’information ou l’idée passe du mental au niveau de l’être. Soit qu’elle descende dans le cœur profond pour que nous ressentions la nécessité intérieure d’une transformation. Le besoin impérieux de modifier notre mode d’être, notre style de vie, nos relations avec la nature.

Souvent, ce passage n’a pas lieu car nous sommes divisés entre notre intellect, notre raison et le cœur, nos émotions.

Séparation de la Terre avec soi-même

L’information environnementale, du fait de sa globalité et de sa complexité, possède souvent une dimension abstraite, difficile à percevoir au quotidien. Les changements sont graduels et lointains. Nous nous y habituons.

Dans les villes, à la maison, à l’école ou au travail nous sommes tellement peu en contact épidermique, physique, sensoriel, spirituel avec la texture de la terre. Tout comme les cycles du soleil et de la lune, les esprits des arbres et des plantes.

Nous sommes coupés de la nature existentiellement et émotionnellement. En conséquence, nous sommes peu touchés par la souffrance de la Terre.

Par ailleurs, tout notre système d’éducation centré sur le mental rationnel renforce cette séparation.

Nous savons que la planète est en péril et que notre mode de vie participe à sa dégradation. Dans le même temps, nous continuons notre vie quotidienne sont trop y penser.

Illusions de la technique

Nous n’arrivons pas à croire dans la crise écologique parce que nous croyons dans la capacité de l’être humain à y faire face et à le résoudre grâce à la science, la technique et l’intelligence.

Limites de l’écologie extérieure

Ecologie extérieure

Les meilleurs conventions internationales, les techniques les plus innovantes ou les chartes éthiques les plus vertes ne suffiront pas, parce que ces mesures restent de l’ordre du faire et de l’horizontalité.

Or, il est des problèmes qu’on ne peut résoudre en restant au plan de réalité et de conscience où ils ont été créés, il faut changer de niveau.

La crise écologique questionne se que nous faisons mais aussi ce que nous sommes dans le cœur et pas seulement dans la tête.

Écospiritualité

Ecologie intégrale

L’écologie intégrale intégrerait tous les plans (normatifs, éthiques, politiques et pratiques) de l’écologie extérieure et les dimensions de l’écologie intérieure.

Dimension sacrée de la nature

Sentir le sacré dans la nature se fait à partir d’un autre niveau de conscience que celui où nous vivons ordinairement.

L’enjeu est de comprendre qu’il ne s’agit pas uniquement de la survie de la planète et de l’espèce humaine, mais du sens même de la vie.

Retrouver le lien au corps / âme / esprit

Les traditions spirituelles distinguent généralement quatre types de connaissance, chacune ayant un lien prioritaire avec le corps, l’âme ou l’esprit.

1. L’intelligence corporelle : pour accéder au réel dans sa dimension physique, matérielle et sensible.

2. L’intelligence affective : pour être en relation avec le monde et les autres sur un mode plus intérieur, intuitif et éventuellement passionnel.

3. L’intelligence rationnelle qui corrige les données des sens et émotions et développe une compréhension du réel en l’analysant.

4. L’intelligence contemplative qui mobilise l’intellect spirituel uni au cœur (siège de l’unité de l’être) et ouvre à l’essence des choses et à la Réalité ultime. Cette intelligence a pour langage est le mythe et le symbole.

NB : Le mythe, du grec muthos, muet, exprime l’ineffable. Le symbole du grec symbolon, l’anneau, est ce qui unit.

Modifier son regard

Lâcher les angoisses du manque

« Il y a assez de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour répondre aux convoitises et au désir de possession de chacun. » Gandhi.

Une angoisse archaïque : la confusion entre désirs et envies, est alimenté par la peur de manquer. Cela veut dire, au niveau inconscient: la peur de la mort. Celle-ci commande, à notre insu, une grande part de nos comportements.

S’ouvrir à toutes les dimensions du réel

Que voyons-nous dans une fleur, un arbre, une montagne, un animal? Comment appréhendons-nous la nature?

Avec les yeux de notre sens ou de notre raison? Ou avec les yeux du cœur-esprit?

Voir autrement, c’est faire l’expérience d’un mode de connaissance symbolique qui mobilise les quatre intelligences : corporelle, affective, rationnelle et contemplative.

Le symbole ne signifie pas abstraction mais signe, réalité sensible. Il rend présent l’invisible dans le visible, l’intangible dans le tangible, l’éternel dans le temps, l’infini dans le fini, la lumière dans l’obscurité.

Sortir du dualisme

Accueillir le mystère de la création : sur le plan de la physique quantique, la science parle de « niveaux de réalité multiples », « d’espaces-temps à dix dimensions », « d’arrière-mondes invisibles » dans lesquels baigne le monde visible, la matière visible ne représentant que cinq pour mille de la substance de l’univers invisible.

Les expériences d’Heisenberg en montrant comment une onde prend la forme d’une particule dès qu’elle est soumise à l’observation humaine, ont anéanti la prétention à connaître la réalité en soi, indépendamment de l’acte de perception qui la modifie.

En développant d’autres champs de conscience, l’esprit humain peut appréhender autrement le réel et découvrir sa richesse.

Sagesse du féminin

Les philosophes russes ont vu dans la Sagesse l’expression de la féminité de Dieu et du cosmos.

Parce qu’elle en est la «Mère», la Sagesse connaît la structure du monde et l’activité des éléments, les cycles, les positions des astres, la nature des animaux, les variétés de plantes et les vertus des racines.

Les énergies de l’univers

L’Univers peut être vu comme une vaste toile tissée d’énergie, de vibrations et de souffles divins qui le parcourent en tous sens.

Autant de fils de vie qui relient les créatures les unes aux autres, rendant tout interdépendant.

Le qi taoïste, la shakti hindoue, le souffle compatissant de l’islam, la théologie orthodoxe des énergies incréés, etc.

Chaque tradition spirituelle évoque une puissance active de nature divine ou non, une force vitale universelle, une âme du monde qui habite, traverse et anime la nature.

Il existe chez chacune d’elle une énergie créatrice, voire une forme de conscience, qui innerve la grande chaîne de l’être entre les humains et les composantes du monde naturel.

L’être humain entre terre et ciel

« Nous sommes terrestres et pourtant célestes, entre majesté et humilité, esprit et chair à la fois. » Grégoire de Naziance

Enfant de la terre et des étoiles

L’être humain porte en lui tous les règnes de l’univers. Tout ce que nous faisons à la nature, nous le faisons à nous-mêmes et inversement.

La terre : dans humain, il y a humus, la terre. La même racine se retrouve dans l’humilité.

Les étoiles : nous avons aussi nos racines dans les cieux. Nous appartenons au même corps cosmique, à la même communauté de créatures, nous sommes tous solidaires.

Le corps, interface avec le cosmos

Par les sens et la peau, notre corps fait l’expérience palpable et immédiate de la nature.

L’énergie cosmique ne cesse de traverser le corps, de renouveler sa matière. Le corps est à la fois le contenu et le contenant du corps du cosmos.

Être humain entre Terre et Ciel

Chemins de transformation écospirituelle

Comment vivre intérieurement et incarner dans toutes les dimensions de notre existence l’écospiritualité ? Quelle éthique et quels écogestes quotidiens?

Pouvons-nous travailler notre cosmos intérieur ? Réorienter nos désirs, vaincre nos peurs et guérir les blessures de l’âme?

Quelles sont les voies vers le féminin de l’être? Pour retrouver le respect, la douceur, l’humilité, la justice, l’amour, la paix ou encore la fraternité?

Éveil et unification de l’être

Ouvrir notre cœur

Revenir au centre, au coeur, est un travail de purification.

Se libérer de tout ce qui peut y avoir de mécanique et inconscient, répétitif et paresseux, permet de développer un processus de réunification intérieure et d’harmonisation de toutes nos facultés vers une unité.

L’unification de notre être doit se produire entre les parties de notre corps, âme et intellect spirituel souvent déconnectées. Entre les divers modes de notre relation au monde et aussi entre les différents niveaux de réel.

Plus l’homme s’unifie intérieurement, plus il est capable de communier avec la nature, les autres.

Acquérir un autre mode de connaissance

Corps en conscience

Nos sens sont le premier moyen d’accès au réel et à la nature. Ils sont souvent peu ou mal formés. Il convient d’accroître la conscience de soi de se reconnecter avec « le sauvage » en nous. D’habiter notre corps en relation avec le cosmos et le sacré qui l’habite.

Âme et raison

La raison n’est pas à dénigrer mais à cultiver et transformer en l’ouvrant à ce qui la transcende.

Nous sommes rationnels et capables de comprendre les structures, les fonctionnements mais aussi de saisir ce qui nous relie au sacré.

Parce qu’il est mystère, le réel échappe à la raison résonnante et à la logique dualiste du mental. Il ne peut être saisi dans sa complexité.

Opérer une transformation intérieure

Réorienter nos désirs

L’être humain est fondamentalement un être de désir.

Par nature, les désirs sont infinis et insatiables. Vouloir les satisfaire par des biens matériels est une illusion. Que devient notre puissance désirante dans notre société d’hyperconsommation ?

La confusion entre désirs et envies n’est pas une fatalité. Il s’agit d’éclairer les ressorts intimes et souvent inconscients de nos envies et de nos conditionnements.

Il ne s’agit pas de refouler, réprimer ou éteindre nos désirs, mais de retourner à la source de nos désirs.

De désirer mieux et non pas de désirer moins. Cette réorientation passe par une descente dans les profondeurs de notre terre intérieure.

Vaincre nos peurs

La peur, l’un des ressorts fondamentaux de l’être humain.

Derrière toute peur se dissimule l’angoisse de la mort, qui s’exprime par la peur de manquer.

Ces angoisses sont d’autant plus fortes et insidieuses qu’elles sont liées, cachées, refoulées et entretenues par nos systèmes socio-économiques qui fabriquent des sécurités illusoires.

La peur et les envies augmentent quand l’homme est coupé de lui-même et de sa source.

Faire confiance à la vie

La réponse à la peur est la confiance. L’éternité est une modalité de l’être qui s’exprime dans l’ici et le maintenant. C’est le contraire du « tout, tout de suite » propre au marché.

Y goûter offre une plénitude et une paix qui engloutit la peur de manquer et de mourir.

On ne vaincra pas nos peurs de la mort et du manque sans habiter le temps autrement.

Guérir nos blessures

La terre comme soi-même : il y a des liens profonds entre les maladies de la terre et celle de l’âme.

Les blessures que nous infligeons à la terre sont l’expression de nos blessures intérieures, souvent inconscientes et refoulées.

Il est important d’apprendre à exprimer nos émotions face à l’état de la planète sans s’identifier au corps de souffrance.

Nous pouvons reconnaître notre douleur et assumer notre éventuel sentiment d’impuissance.

Guérir nos blessures intérieures suppose de reconnaître dans l’humilité et le non jugement ce que nous sommes, avec nos fragilités, nos faiblesses, nos angoisses.

De l’écospiritualité à la compassion

Aimer l’autre comme soi-même c’est considérer que l’autre fait parti de notre être et de notre vie. Le vrai amour suppose la liberté.

Compatir c’est être capable d’entendre les gémissements de la terre et d’en être touché jusqu’au plus profond de notre être comme s’ils étaient les nôtres parce que la nature est en nous.

Cheminer vers l’écospiritualité

Le passage à un autre mode d’être et de vie ne peut s’accomplir automatiquement, par magie. Il faut du temps, une aspiration profonde, un effort de longue haleine. Une transformation intérieure.

Pour opérer ce passage, un travail sur soi est incontournable. Les outils sont nombreux : le jeûne, la prière, reprendre souffle… Notre rapport au temps constitue une dimension essentielle de transformation pour une écospiritualité.

Vers une sagesse pratique de l’écospiritualité

S’engager concrètement

L’écospiritualité ne trouve sa plénitude de sens que si notre transformation intérieure s’ancre dans des engagements concrets, quotidiens et politiques.

Si l’écologie extérieure n’est pas accompagnée d’un travail sur soi elle s’épuise dans un activisme.

Si l’écologie intérieure ne prend pas corps dans des pratiques solidaires et citoyennes, elle s’étiole.

Repères pour une écospiritualité

Comment vivre avec la Terre, comme avec soi-même ?

– La quête d’un nouveau mode de vie fondé sur la simplicité volontaire,
– Le déploiement d’écogestes quotidiens
– L’ouverture à des pratiques alternatives comme les écomédecines et l’approche holistique intégrant la personne et le cosmos,
– Le soutien citoyen à une économie durable et solidaire,
– La participation à des initiatives écospirituelles nouvelles. Par exemple les écosites sacrés comme lieu d’apprentissage d’une écologie intérieure et extérieure combinant agroécologie, énergie renouvelable, alimentation biologique, intelligence visionnaire et action non-violente.
– Méditer

En plus : 2 minutes pour comprendre l’écospiritualité, écoutez l’interview de Michel Maxime Egger par ReporTerre.

Lire en complément l’article : Conscience écologique et spiritualité ou encore l’article sur la nouvelle réalité.

>