La maladie a t-elle un sens?

Face à la souffrance et à la maladie, nous avons le choix d'explorer plusieurs sens.

La maladie a t-elle un sens ?
Un ami m’a amené ce livre alors que j’étais clouée sur un lit d’hôpital au service des urgences de Beijing pour une appendicite.

Lorgnant le titre, un monsieur en face de moi m’a dit « Vous y croyez, vous, à tous ces trucs? »
J’avais le choix entre ce livre ou Harry Potter (que je connaissais déjà par coeur) donc j’ai choisi le livre de Thierry Janssen.

Je me suis plongée dedans et ai découvert une pensée qui ne cherche pas à opposer traditions et médecine, ni à condamner, mais simplement à expliquer et analyser les apports et limites de chacun.


On n’a pas de « réponses » à la fin du livre, on a simplement ouvert une fenêtre sur la complexité de l’humain vivant la maladie.

Extraits d’un livre de Thierry Janssen

La maladie a t-elle un sens? de Thierry Janssen
Thierry Janssen, médecin, chirurgien devenu psychothérapeute, est spécialisé dans l’accompagnement des malades. Il enseigne une médecine humaniste et responsable au sein des hôpitaux et des facultés de médecine.

Le défi de la complexité

«Une tradition de pensée bien enracinée dans notre culture nous enseigne à connaître le monde par idées claires et distinctes.

Elle nous enjoint de réduire le complexe au simple. Séparer ce qui est lié. Unifier ce qui est multiple.

Or le problème crucial de notre temps est de relever le défi de la complexité du réel. Être capable de saisir les liaisons, interactions et implications mutuelles, les phénomènes multidimensionnels.»
Edgar Morin

Le sens de la maladie

Causes de la maladie

Causes naturelles ou surnaturelles

– Sorcellerie,
– Influences animistes,
– Explications mystiques liées au non respect de principes fondamentaux.
Ces causes n’ont pas de visages. Elles font partie des règles sacrées et des lois immuables dont dépend la bonne marche du monde.
Par exemple, pour les Aborigènes, la bonne santé dépend de l’état du kurunpa, le « souffle de vie » qui anime être vivant. Un concept que nous traduirions par âme ou esprit.

Causes personnelles

Le malade est une victime persécutée par la maladie qu’il faut expulser au moyen de rituels religieux et de magie.

Causes impersonnelles

Les maladies sont décrites comme le résultat d’une perturbation de l’harmonie naturelle. Du coup leur prévention est tout aussi importante que le traitement car l’individu est responsable de sa santé.

– Origine climatique ou assimilée.
– Origine interne psychique et émotionnelle.
– Ni l’un ni l’autre (= empoisonnement, morsure, surmenage, traumatisme, etc.), soit ni interne ni externe.

Pour être malade il peut y avoir plusieurs causes. Les choses ne sont jamais clairement définies, croyances irrationnelles et raisonnement rationnels sont souvent intriqués.

La dépersonnalisation des causes de la maladie a permis l’apparition des médecines savantes en Egypte, en Grèce, en Inde ou en Chine et plus tard l’émergence de la médecine scientifique telle que nous la connaissons.

Rétablir la beauté

Beauté, harmonie et santé

«La recherche de l’harmonie mène à la justesse. La justesse mène à la vérité. La vérité mène à l’équilibre. L’équilibre mène à la beauté. La beauté mène à l’harmonie» disent les aborigènes.

Les notions d’équilibre et de beauté sont au cœur de la conception de santé pour ces peuples traditionnels. La santé est une manifestation de la force vitale. L’expression d’un état d’âme et d’une capacité à entrer dans le monde. Pour la préserver il faut adopter des comportements en harmonie avec les autres êtres humains, animaux et l’environnement.

Hozho chez les indiens Navajo veut dire à la fois beauté et santé. Pour eux l’essentiel réside dans le rétablissement de l’ordre harmonieux des choses. L’ordre qui engendre la beauté du monde.

Art et santé

Les indiens Navajo dessinent des peintures de sable sur le sol afin de restaurer la beauté perdue et rétablir la santé.

Réalisées dans la fluidité, la confiance et la cohérence, les productions artistiques des malades dégagent cette beauté, synonyme de bonne santé. Elles prouvent que l’art et la quête de sens qui l’accompagne constituent une part non négociable de l’aventure humaine. Un moyen essentiel pour rester en vie.

Nécessité du sens de la maladie

Chaque être humain a un besoin fondamental : attribuer un sens aux événements de son existence.

La question du sens dans la médecine

La médecine mesure, pèse, quantifie, dissèque et analyse l’objet de ses recherches. Elle réclame des preuves tangibles que ne peuvent fournir les promoteurs d’une explication exclusivement psychologique de la maladie.

La question du sens est négligée. La médecine propose de plus en plus de remèdes mais laisse de moins en moins de place pour exprimer des interrogations, des sentiments, des croyances.

Nécessité de performance de la médecine

Soucieuse d’efficacité et de performance, la médecine oublie les questionnements philosophiques et métaphysiques. Elle chasse le malade de son corps pour mieux objectiver les maux dont il souffre.

Corps-objet ou corps sujet ?

Réduits à l’état de corps-object, de plus en plus de malades manquent de réponses. Ces malades demandent à être soignés comme des corps-sujets, dans l’intièreté de leur dimension physique, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle.

Interpréter pour accepter

Les êtres humains ont toujours élaboré des systèmes d’interprétation qui traduisent leur besoin d’ordonner les relations sociales. Cela permet d’établir un code de conduite morale. Et aussi, de définir leur place dans la nature.

Le fait d’apporter une interprétation au chaos le rend plus compréhensible, plus acceptable. Trouver une raison à l’insensé, créer l’espoir. Echafauder des croyances est indispensable. Croire, nous permet d’organiser notre pensée.

Mais, expliquer et soigner les causes de la souffrance n’est pas toujours possible.

Le sens : un moyen pour rester confiant

Notre capacité à donner du sens se révèle un excellent moyen pour rester combatif. Peu importe la raison d’espérer que chacun imagine, du moment qu’il y en a une. Pourvu que l’on puisse agir et non subir, pourvu que l’on puisse continuer à (se sup)-porter et avancer.

La confusion du sens de la maladie

On est malade en fonction du système de représentation dans lequel on vit son mal.

Chaque peuple a son histoire, ses croyances, ses images, sa propre vision du monde. Une culture enseigne et transmet les limites de ce qui lui parait imaginable. La tradition définit une palette de possibles, un champ d’exploration de la réalité.

La médecine nouvelle germanique du Dc Ryke Geerd Hamer

Sans conflit, pas de maladie

Cette médecine nouvelle germanique du Dc Rke Geerd Hamer tente de restaurer l’unité de la personne humaine. Mais, elle ouvre la voie à une « maladie de sens ».

Son approche diagnostique et thérapeutique affirme que toute maladie est une solution de survie. La maladie est déclenchée par le cerveau en réponse à un ressenti émotionnel spécifique.

Comme le cerveau n’est pas capable de distinguer les événements réels et ceux imaginés. Ce qui compte est la manière dont on vit le conflit émotionnel.

L’humain est un être de symboles

C’est une combinaison d’interprétation symbolique des symptômes avec des explications nourries de notions médicales. Cela donne une démonstration séduisante pour le grand public.

L’humain est un être de symboles. Les symptômes constituent un langage surgi des profondeurs de l’être. Ils sont des signaux d’alarme manifestés à travers le corps.

La guérison est obtenue par la résolution des conflits émotionnels.

Cette approche incite les patients à ne pas recourir aux traitements médicaux habituels.

Le désir de miracle

Le problème est que le patient en souffrance est vulnérable et apte à croire et être influencé facilement.

Expliquer à un malade qu’il peut guérir d’un problème physique en résolvant son mal être psychologique, ouvre la voie à des dérives. En effet, le patient a envie de croire aux miracles.

La plupart du temps, la maladie est multi factorielle. Certaines raisons psychologiques ne sont en fait que des explications destinées à rassurer notre ignorance.

Il est vrai que le stress chronique et certains choc émotionnels peuvent fragiliser l’organisme. Cependant, il reste difficile d’affirmer l’existence d’une relation symbolique systématique entre des difficultés psychologiques et des manifestations physiques.

Relation corps-esprit

Les mots et maux entretiennent une relation troublante. Mais il ne faut pas s’enfermer dedans.

De nombreuses études mettent en évidence les relations entre pensées, émotions et corps.

La psycho-neuro-endocrino-immunologie est une discipline scientifique. Elle insiste sur l’importance des émotions positives dans la préservation de la santé et la guérison des maladies.

La logothérapie

La responsabilité de chacun face à la vie

Ce n’est pas le sens global de la vie qui importe, mais celui que lui attribue une personne à un moment donné. L’objectif est de tirer le meilleur parti de chaque situation.

Donner un sens à sa vie

L’être humain possède en lui le pouvoir de transformer une tragédie personnelle en victoire, une souffrance en une réalisation.

Cette approche psychothérapeutique s’éloigne de la psychanalyse. En effet, elle considère que l’être humain cherche avant tout à donner un sens à sa vie plutôt qu’à satisfaire uniquement ses besoins et ses instincts ou à s’adapter à la société ou à son environnement.

Viktor Frankl est le fondateur de la logothérapie.

Il invite à dépasser les principes de Freud basé sur la volonté de plaisir ou encore ceux de Nietzsche basés sur la volonté de puissance. Viktor Frankl explore une dimension plus spécifique à notre humanité : la volonté de sens.

La notion de croyance

Une croyance peut aveugler ceux qui n’arrivent pas à prendre le recul nécessaire pour se libérer de la pensée dogmatique qui l’influence.

Les patients peuvent réinventer leur histoire personnelle pour la faire coïncider avec les relations de causes à effets prévues par les théories auxquelles ils adhèrent.

Certains, au lieu d’écouter les messages de leur corps plaquent des explications toute faire sur leurs symptômes. Ils récitent des théories apprises dans les livres. Ou bien encore, ils répètent les paroles entendues sur le symbolisme de la maladie.

L’intégrisme du psychologisme pousse sur la terre aride d’une médecine trop distante vis-à-vis des patients. Ainsi, le manque d’intérêt pour la question du sens est remplacé par un discours exagéré aux interprétations qui fabriquent du sens.

Pouvoir de la pensée sur le corps

Nous avons le pouvoir d’influencer le corps avec la pensée.

Mais, parfois c’est possible, parfois non.

Pouvoir du corps sur la pensée

Le corps impose sa loi à la pensée, plus fréquemment que l’inverse. La réalité matérielle est une véritable épreuve d’humilité pour les forces de l’esprit.

Quand le corps est plus puissant que la pensée positive, l’effet sur les patients peut être dévastateur. La conséquence est qu’ils culpabilisent de ne pas arriver à guérir par la simple compréhension de leur conflit émotionnel.

Trop de psychologisme créer parfois plus de souffrance.

Nietzsche nous dit « d’apaiser l’imagination du malade afin qu’il cesse de souffrir de ses réflexions sur la maladie plus que de la maladie elle-même. »

Réconforter le malade

C’est une des responsabilités du soignant : réconforter. Il peut aider à guérir parfois. Soulager, souvent. Mais, réconforter, toujours.

Mots et maux du corps

Le langage du corps et de la maladie physique est le langage le plus acceptable que nous ayons pour parler de la souffrance.

L’information captée dans le monde matériel déclenche au niveau du cerveau reptilien une série de réactions automatiques instinctives indispensables à la survie de l’individu.

Corps, émotions, pensées et mots

Ces réactions sont ensuite transformées au niveau du système limbique en émotions.

Les émotions sont des signaux d’alarmes qui engendrent des réactions dans le corps. Ces réactions se traduisent en pensées dans le cortex.

L’être humain est à la fois perceptions, ressentis, émotions, sentiments, pensées, croyances, discours et langage. Ainsi, on comprend le glissement des maux aux mots.

Malgré certains écueils il est nécessaire de rétablir la question du sens de la maladie au sein des pratiques thérapeutiques.

La médecine scientifique ne doit plus se contenter de prouesses technologiques, mais doit réapprendre à écouter les malades.

Il est temps de changer notre conception de l’individu.

De penser la santé et la guérison en terme de prévention.

Il est temps aussi de rappeler que la fonction du soignant est sacrée car elle touche à l’intime et à l’essentiel de l’être.

Pour en savoir plus sur Thierry Janssen, découvrez son école de la posture juste.

A lire en complément l’article sur la Solution intérieure, de Thierry Janssen

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